Être-Vivre ensemble dans la Cité-Monde

Nous parlons de vivre ensemble dans nos sociétés, nos institutions, nos familles, etc. mais nous oublions la question non seulement de l’être ensemble avec les autres : a-t-on le droit d’exister parmi les autres ?, le droit d’être là, sur cette terre comme les autres ?, et avoir les mêmes droits que les autres ?, mais aussi de l’être ensemble avec soi-même qui pose la question de l’héritage des autres à l’intérieur de nous et de notre altérité interne. Personne ne s’est fait tout seul. Mais qui nous a faits ? De quoi sommes-nous faits ? De quelles histoires ? De qui sommes-nous héritiers ? De quoi sommes-nous héritiers ? Qui a fait de nous ce que nous sommes ? Qui a fait de nous ce que nous ne sommes pas ce que nous ne voulons pas être ?

Puisque personne ne s’est fait tout seul, Il est clair que nous sommes fondamentalement ensemble…, mais en avons-nous conscience ? Heureusement que les bébés, les enfants nous le montrent souvent, par la spontanéité et la curiosité de leur regard sur le monde : un bébé ne perçoit pas chez l’autre des préjugés, il n’a pas encore de préjugés qui alimentent la haine de l’autre. Il est dans la découverte de l’autre et de lui-même à travers l’autre.

Nous ne pouvons être qu’ensemble, qu’en étant ensemble. La précarité, au sens de besoin de l’autre, la bonne précarité dirait Jean Furtos, est ce qui nous fonde comme êtres humains, elle est préalable à la question du vivre ensemble. La VIE nous est donnée, nous ne sommes pas à l’origine de la vie. Nous avons la vie en héritage. Vivre c’est donc accepter cet héritage. Vivre, c’est accueillir la VIE et la transmettre, la VIE qui nous traverse. C’est dans ce sens que je partage le point de vue de O.Frérot sur la civilisation de la Vie qui consiste notamment à être « soi–avec–les–autres–vivants, en singularité, en lien et en alliance ».

Dans un contexte où nous faisons face aux répliques des « séismes identitaires » de l’Humanité, l’une des idées défendues dans la clinique de la mondialité est de soutenir que le vivre ensemble avec les autres est intriqué au vivre ensemble avec soi–même, sans antériorité de l’un sur l’autre. Vivre ensemble avec soi-même, c’est faire le lien entre les générations qui nous traversent et que nous traversons. Ces générations ne se réduisent pas à nos familles biologiques proches, elles concernent nos familles éloignées, de culture commune et spécifique, nos pays, nos sociétés, nos institutions… Il est question de la généalogie de l’Homme, de l’Humanité.

La clinique de la mondialité est une manière de penser «l’être » et le « vivre ensemble » avec soi-même et avec les autres, ce qui introduit d’emblée un débat avec les politiques, la politique et le politique. Ainsi que je l’ai souligné ailleurs, cliniciens et politiciens sont les sculpteurs du vivre ensemble avec soi-même et avec les autres dans la Cité. Tandis que les cliniciens se préoccupent du monde interne, les politiques s’occupent davantage de la face externe ; la politique se préoccupe d’organiser les relations intra et inter–peuples ; quant au politique (politikè), c’est le sens même de l’être et du vivre ensemble. Être ensemble dans la Cité–Monde.

Daniel Derivois

Extrait de l’ouvrage « Séismes identitaires, trajectoires de résilience », 2020, Chronique sociale, pp. 49-52.

2 réflexions sur “Être-Vivre ensemble dans la Cité-Monde

  1. Oui. A 100% ok ! A condition toutefois de corriger la coquille svp… :
    « … le point de vue de O.Frérot sur la civilisation de la Vie qui consiste notamment à être « soi–avec–les–autres–vivants, en singularité, en lien et en alliance ». »… (Et non soit-avec-les-autres…) merci !

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