Quelle éthique pour ces temps troublés ?

La décadence éthique du pouvoir réel est déguisée par le marketing et les fausses informations, qui sont des mécanismes utiles aux mains de ceux qui disposent de plus de ressources afin d’influencer l’opinion publique. Grâce à ces mécanismes, lorsqu’il est prévu de lancer un projet à fort impact environnemental et aux effets polluants importants, on illusionne les habitants de la région en leur parlant du progrès local qui pourra être généré, ou des opportunités économiques en matière d’emploi et de promotion humaine que cela signifiera pour leurs enfants. Mais en réalité, on ne semble pas s’intéresser vraiment à l’avenir de ces personnes, car on ne leur dit pas clairement qu’à la suite de tel projet, il résultera une terre dévastée, des conditions beaucoup plus défavorables pour vivre et prospérer, une région désolée, moins habitable, sans vie et sans la joie de la coexistence et de l’espérance, sans compter les dommages globaux qui finiront par nuire à beaucoup d’autres.

Il suffit de penser à l’enthousiasme éphémère causé par l’argent reçu en échange du dépôt de déchets nucléaires sur un site. La maison que l’on a pu acheter avec cet argent s’est transformée en tombeau à cause des maladies qui se sont déclarées. Et je ne parle pas en raison d’une imagination débordante, mais à partir d’une expérience vécue. On pourra dire qu’il s’agit d’un exemple extrême, mais il n’est pas possible de parler ici de dommages « mineurs », car c’est la somme totale de nombreux dommages considérés comme tolérables qui finit par conduire à la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui.

Cette situation ne relève pas seule- ment de la physique ou de la biologie, mais aussi de l’économie et de notre façon de la penser. La logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité, en progrès et en promesses illusoires, rend impossible tout souci sincère de la Maison commune et toute préoccupation pour la promotion des laissés-pour-compte de la société. Nous avons constaté ces dernières années que, étourdis et enchantés par les promesses de si nombreux faux prophètes, les pauvres eux-mêmes tombent parfois dans la tromperie d’un monde qui ne se construit pas pour eux.

Des idées erronées se développent autour de la prétendue « méritocratie » qui est devenue un pouvoir humain « mérité » auquel tout doit se soumettre, une domination de ceux qui sont nés dans de meilleures conditions de développement. C’est une chose d’avoir une saine conception de la valeur de l’engagement, du développement de ses propres capacités et d’un louable esprit d’initiative ; mais si l’on ne recherche pas une réelle égalité des chances, cela devient facilement un écran qui renforce plus encore les privilèges de quelques-uns ayant davantage de pouvoir. Dans cette logique perverse, qu’ont-ils à faire des dommages causés à la Maison commune s’ils se sentent en sécurité sous la prétendue armure des ressources économiques qu’ils ont obtenues grâce à leurs capacités et à leurs efforts ?

Dans leur conscience, et face au visage des enfants qui paieront les dégâts de leurs actions, la question du sens se pose : quel est le sens de ma vie, quel est le sens de mon passage sur cette terre, quel est le sens, en définitive, de mon travail et de mes efforts ?

Pape François

Extrait de la Lettre « Louez Dieu (Laudate Deum) » publiée le 4 octobre 2023 (jour de la saint François d’Assise), §29 à 33

2 réflexions sur “Quelle éthique pour ces temps troublés ?

  1. Par Anna Abdul Massih, Corto Bukala et Nisrine Aflak 

    Nous trouvons l’idée de remettre en question la valeur des compensations et aides économiques dans un échange très appropriée dans notre contexte actuel. L’argent apparaît comme une solution tout à fait acceptable mais, une fois dépensée, cette dernière s’en trouve dénudée, ne restant que les conséquences sociétales et environnementales. L’éthique actuelle se base trop sur ce commerce illusoire qui semble fiable.

    Nous trouvons qu’une des forces de cet article est qu’il va bien plus loin que juste critiquer les promesses économiques qui manquent de profondeur. Il s’interroge aussi sur ce qui ne va pas dans notre système économique, requestionne ce qu’on qualifie de progrès de rationalité. Cette remise en question est tout à fait au jour des événements actuels où on ne peut plus ignorer l’urgence écologique globale qui nous pousse à repenser à comment on fait les choses, pour trouver un chemin plus juste et moins nuisible à l’environnement.

    Nous remarquons que l’auteur adopte une approche simplificatrice de problèmes complexes tels que l’économie, la politique et l’éthique en les réduisant à une lutte entre les oppresseurs et les opprimés. Il serait plus pertinent de creuser un peu plus ces questions, de les regarder sous tous les angles pour vraiment comprendre comment elles s’entremêlent et influencent la vie des gens.

    De plus, nous pensons que la tonalité est un peu trop accusatrice et pourrait être nuancée. Elle polarise le débat et n’autorise pas un dialogue constructif. Une ouverture d’esprit dans l’écriture pourrait encourager plus de gens à s’engager : sans propositions concrètes, le risque est de laisser le lecteur avec un sentiment d’impuissance face à la gravité des problèmes soulevés.

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  2. Cet article, discours du pape François critique l’éthique de notre société et la fausse préoccupation de tous. Il y a des points avec lesquels nous sommes d’accord comme le premier paragraphe qui expose les risques liés aux fausses informations et au marketing menteur dans un exemple fictif d’un projet de construction qui se vante des retombées économiques et de l’avenir. Or l’entreprise se fiche de l’environnement et des habitants. Nous pensons que cet exemple bien que fictif représente une vérité présente partout. Il y a des ingénieurs qui sont chargés de rassurer les locaux et prévenir les problèmes liés à la présence de l’entreprise. De nombreux chantiers détériorent les nappes phréatiques.

    Cependant, malgré ses points positifs, l’article montre des avis peut-être un peu trop tranchés. Par exemple, il critique la logique du profit maximum mais ne prend pas en compte les nuances du fonctionnement économique. La recherche de profit n’est pas nécessairement un ennemi de l’environnement ou du bien-être social. Des entreprises parviennent à générer du profit tout en prenant en compte des problématiques environnementales avec même des investissements verts. On pourrait cependant accuser certaines de ces entreprises de faire du greenwashing ou autres stratégies problématiques mais des entreprises comme Patagonia existent.

    De plus, l’article tend à généraliser certaines situations sans fournir de données empiriques pour se justifier. Par exemple, l’exemple des déchets nucléaires peut être un cas particulier et ne pas représenter l’ensemble des projets à fort impact environnemental, comme l’utilisation de centrales à charbon.

    La critique de la méritocratie comme un système qui renforce les privilèges peut être approfondie. Bien qu’il soit vrai que la méritocratie peut parfois être utilisée pour justifier les inégalités sociales, elle repose sur l’idée que les individus devraient être récompensés en fonction de leurs mérites et de leurs efforts, ce qui est un moteur important de progrès et d’innovation de notre société.

    Finalement, en mettant l’accent sur l’importance de considérations éthiques dans la prise de décision, l’article encourage ainsi une réflexion nécessaire sur notre rapport à la nature, à l’économie et à la justice sociale.

    Signé Antoine Millet–Cot

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