Fonder ses actions sur les valeurs émergentes

Il ne s’agit pas seulement de nous réjouir de l’apparition d’une nouvelle civilisation que désormais nous voyons mieux se lever au milieu de nous, et nous proposer un horizon enthousiasmant. Il convient aussi d’agir pour accélérer son déploiement, tout simplement parce que le sens de la vie d’un humain est de bâtir pour que d’autres humains et d’autres vivants puissent jouir de la vie. Nous sommes d’ailleurs habités par l’urgence, car notre maison commune est en feu !

Examinons donc plus précisément comment cultiver les valeurs émergentes pour qu’elles irriguent nos vies, nos projets, nos entreprises humaines, nos institutions sociétales, et même nos organisations mondiales. Nous les avons regardées à partir des trois dimensions : notre vie singulière, nos communautés entreprenantes, nos engagements sociétaux. Il n’y a pas de hiérarchie entre ces dimensions. Il y a des goûts différents suivant chacun, son tempérament et ses possibilités d’action. Les uns préféreront d’abord mieux connaître leurs propres ressorts et leurs ressources, via ce que l’on appelle généralement le développement personnel, d’autres privilégieront leur collectif de travail, via des processus de management respectueux des personnes, d’autres encore seront motivés par les collectivités publiques au service de tous et la construction de nouvelles institutions collectives.

La société nouvelle s’ordonne dans tous ces compartiments pour servir la croissance de la vie. Mais, après la Modernité et sa découverte de la dignité irrépressible de chaque personne humaine, la quête de notre singularité, dans le respect absolu de celle des autres, demeure première. Certes, l’Occident revient à des valeurs collectives fondamentales, mais aucun collectif, quel qu’il soit, ne peut plus dominer ni oppresser les individualités. C’est pour cela que nous avons cité l’individuation en premier parmi les valeurs émergentes. Aucune communauté ne pourra bien fonctionner si elle n’est pas dédiée fondamentalement au déploiement de chaque personnalité qui la compose. C’est l’articulation entre la dynamique de l’intériorité propre de chacun et celle de l’extériorité de ses appartenances et de son agir qui fait la croissance vivante des personnes et des communautés. L’une va absolument avec l’autre. Et toutes deux sont ordonnées au service de l’humanité et de tous les vivants. Telle est la spirale vivante et cohérente de notre nouvelle civilisation.

Avec le désir de réussir sa propre vie, comme dit la jeunesse contemporaine, il devient nécessaire pour un certain nombre d’entre nous de quitter les lieux où les valeurs émergentes sont mises à mal, ignorées, voire niées. Si chacun fait comme il peut et pas toujours comme il veut, de plus en plus de ruptures s’observent, qu’elles soient volontaires ou imposées. L’important est alors de reconstruire une vie et des engagements en phase avec les valeurs émergentes, garantes de notre épanouissement et de notre participation généreuse à la société. C’est heureux si cela peut se réaliser là où nous sommes déjà engagés ou à partir de ces lieux. Chacun arbitrera selon ses possibilités et ses propres forces, en comptant sur la solidarité de son entourage. S’il y a actuellement peu de collectivités publiques où cette dynamique est en cours du fait de leur excès de bureaucratisation, nous avons cité de nombreux collectifs entreprenants où nous pouvons l’expérimenter et la vivre en profondeur. Retenons fondamentalement que le fait d’entreprendre en coopérant avec d’autres au service d’autrui, que ce soit en intégrant une entreprise existante s’inspirant des valeurs émergentes, ou en se lançant dans l’aventure de la création entrepreneuriale, est la manifestation de son engagement envers la civilisation de la Vie.

Olivier Frérot

Extrait du livre « Vers une civilisation de la Vie – Entreprendre et coopérer », éditions Chronique sociale, 2019

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