Vers une société centrée sur les biens communs ?

Si nous parvenons à passer de communautés pairs à pairs (P2P) « micro-économiques » à une nouvelle modalité dominante « macro-économique » de création et de distribution de valeurs, c’est alors que s’enclenchera la transition vers une économie et une société centrées sur les communs. Ce serait la révolution de notre époque : une rupture fondamentale dans les règles et les normes qui décident ce qu’est la valeur et comment elle est produite et répartie dans la société. En un mot : le passage à un nouveau régime de valeur post-capitaliste.

Nous envisageons le P2P à la fois comme une relation sociale et une modalité d’échange, comme une infrastructure socio-technologique et comme un mode de production, et tous ses aspects, combinés, contribuent à la création d’un nouveau modèle post-capitaliste qui représente une nouvelle phase dans l’évolution de l’organisation des sociétés humaines. Nous aborderons donc aussi le problème des transitions économiques et politiques : comment envisageons-nous la transition vers une nouvelle forme d’organisation sociale?

Les dynamiques P2P créent d’ores et déjà sous une forme séminale les institutions (à une échelle micro et intermédiaire) qui préfigurent un nouveau modèle sociétal. En un mot, le P2P peut nous mener à un nouveau modèle sociétal où :

– la société civile devient productive par la participation des citoyens à la création collaborative de valeur à travers les communs. On observerait un passage graduel d’une société où les communs sont marginaux à une société où les institutions des communs forment le cœur de l’organisation sociale et économique ;

– le marché devient « éthique » grâce à l’émergence de pratiques économiques génératives, et non plus extractives. Nous verrions l’émergence de modèles économiques coopératifs et solidaires pour l’allocation des ressources financières et physiques ;

– l’«État partenaire» crée les conditions générales nécessaires à une économie et à une société contributives, il les facilite. Ce serait le passage d’une forme d’État au service des élites et de leurs pratiques d’exploitation de la valeur à une nouvelle forme totalement participative qui crée les conditions d’une liberté personnelle et sociale maximale.

Dans cette communauté pluraliste de citoyens, des formes multiples de création et de distribution de valeurs vont coexister, privilégiant probablement cet attracteur général que sont les communs. L’objectif de cette réflexion n’est pas de promouvoir un «totalitarisme » des communs. Elle est de faire des communs une institution centrale qui « guide » toutes les autres formes sociales vers le maximum de biens collectifs et d’autonomie.

Michel Bauwens et Vasilis Kostakis

Extrait du livre « Manifeste pour une véritable économie collaborative », éditions Charles Léopold Mayer, 2017, pp 30-32

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